Projet chorégraphique Gaëlle Bourges
Avec Gaëlle Bourges, Marianne Chargois, Gaspard Delanoë, Alice Roland
Récit de Gaëlle Bourges, co-écrit avec Alice Roland, Gaspard Delanoë, Marianne Chargois (avec de larges extraits de textes de Daniel Arasse (Histoires de peintures, Editions Denoël, 2004) et Alain Jaubert (Palettes, "Le Siècle des Lumières", Arte Editions et Editions Montparnasse, 2005)
Lumières Abigail Fowler
Bande son, régie son Stéphane Monteiro
Musiques additionnelles Uptown Piano Man, The Piano Bar Cocktail Lounge, Mozart, Cosi fan tutte, Soava sia il vento, Le nozze di Figaro, K 492, L’ho perduta…, Don Giovanni, K 527, ouverture, The Original Movies Orchestra, Star Wars Main Title (Tatooi Electro Mix), Star Wars, Xerox & Freeman, Trance Mix vol. 8
FR Le verrou est d’abord un tableau de Jean Honoré Fragonard, peint à la fin des années 1770, qui servit de nombreuses fois d’illustration à des couvertures de livres, notamment celle des Liaisons dangereuses de Laclos.
Sur ce tableau, un homme enlace une femme et, du même mouvement, ferme le verrou de la porte. La femme est entre pâmoison et repli. À gauche, le lit, lui, est défait et en désordre sous une grande tenture rouge tandis qu’une pomme trône dans la lumière et qu’un bouquet de fleur gît sur le sol.
Après Je baise les yeux, dans lequel trois femmes racontaient le métier de stripteaseuse tout en se rhabillant et La belle indifférence, qui mettait en tension dix nus féminins de la peinture européenne, récits d’histoire de l’art et récits de travail sexuel, Le verrou continue donc de creuser la question de la sexualité, non pas telle qu’elle se vit mais telle qu’elle se représente, « non pas celle réellement vécue par chacun, mais (…) le dialogue continu qu’il y a entre discours, pensées, images, imaginaires construits par la culture occidentale, et réponses produites par nos cerveaux, qu’elles soient en phase ou en opposition à cette culture » comme l’énonce Gaëlle Bourges. Le verrou propose donc un travail sur les codes, qu’ils soient discursifs, visuels ou corporels. Partant du principe que la peinture fut, avant la photographie et le cinéma, la seule façon de figurer le réel et a donc porté les constructions sociales, politiques, culturelles des époques dans lesquelles elle a émergé, la pièce déconstruit l’histoire de la représentation occidentale. En recréant l’image du tableau de Fragonard, mais en faisant rejouer la scène avec des variantes polysexuelles en même temps que s’y emmêlent différentes strates de discours d’histoire de l’art (Daniel Arasse, entre autres) augmentées de fictions imaginées par les performers, Gaëlle Bourges veut « libérer du non représenté », c’est-à-dire faire trembler le carcan supposé naturel du couple hétérosexuel dans la chambre à coucher.
Avec Le verrou, la chorégraphe poursuit son entreprise de déverrouillage des représentations, en introduisant du doute, de la dérision, de la distance.
EN Le verrou (the lock) opens with a representation of the eponymous picture Jean Honoré Fragonard painted around 1778. After Je baise les yeux, La belle indifférence and En découdre (un rêve grec), Gaëlle Bourges’ work is still exploring the field of sexuality – not the sexuality we actually experiment, but its various representations, the endless dialogue between discourse, thoughts, images, imaginations built by western culture, and the answers which our brains produce, whether they are, or not, in step with this culture. Le verrou mixes official art history and fictional art stories, reminiscences from the Age of Enlightenment, imaginary libertinage and pre-revolutionary atmosphere, physical performances on a bed and discursive performances at a table.